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Féris Barkat, 23 ans, premier prof sans diplôme universitaire à enseigner à la Sorbonne.

En quelques années, Féris Barkat est devenu une figure incontournable de l’activisme environnemental et social à travers les réseaux sociaux, son association Banlieues Climat, et ses apparitions remarquées (et remarquables) dans les médias ou lors de conférences. Également membre du fonds de dotation du Palais de Tokyo, il est aujourd’hui enseignant au sein de la prestigieuse fac de La Sorbonne. Antidote l’a rencontré à l’occasion de sa première journée.

Photo : Nehemie Lemal.

« À part le BSR et le Bac… j’ai rien ! [rires] Quand j’ai arrêté ma licence,j’ai promis à ma mère que je reviendrai à l’école en tant que prof, elle pensait que je rigolais. » Le 23 septembre 2025, à 23 ans et sans diplôme universitaire (il a décidé d’arrêter ses études en politique et philosophie pour former sa génération aux enjeux climatiques, en particulier dans les quartiers populaires), Féris Barkat est devenu l’un des plus jeunes profs à jamais enseigner à Sorbonne-Nouvelle. D’abord pris pour un livreur ou un étudiant lorsqu’il s’est présenté à l’entrée de l’établissement, il a le même âge que la plupart de ses élèves, et est même beaucoup plus jeune que certain·e·s : deux étudiantes sont nées en 1958 et 1950 !

Expliquer les symptômes de la violence

Chaque semaine, le co-fondateur de l’association Banlieues Climat, qui vise à fédérer, sensibiliser et inspirer les populations des quartiers populaires sur les questions environnementales et climatiques, donne à des élèves de deuxième année un cours revenant sur les « violences structurellement transmissibles ». « La violence n’est pas considérée dans notre culture, et les violence studies sont rarement traitées dans l’enseignement supérieur, en France. Je suis là pour expliquer les liens entre les dynamiques coloniales, la récupération du rap français par labourgeoisie et le suicide d’une dramaturge anglaise tourmentée. » À ses étudiant·e·s, Féris propose d’apprendre à se connaître en explorant les violences qui les traversent, et à inventer, dans la résistance culturelle, une nouvelle manière d’exister.

Un profil anti-conformiste

Jeune, issu de minorité, sans diplôme universitaire ni formation, il n’a pas été évident, pour le corps professoral, d’accepter un  profil tel que le sien. Malgré ses connaissances et son  excellence médiatique. Et c’est grâce à une première conférence à succès, puis à l’appui d’une personne, Olivier Halevy, maître de conférences à la Sorbonne, que Féris a pu être accepté, à titre… « expérimental », comme le mentionne le site de la prestigieuse faculté.

 

Photo : Nehemie Lemal.

« Il faut choquer les gens »

Ce recrutement est inédit pour une université publique comme  La Sorbonne-Nouvelle. En France en 2024, selon l’Insee, 40,9% des jeunes non diplômé·e·s sont au chômage. Un cas comme celui de Féris reste exceptionnel, mais il permet d’ouvrir des portes jusqu’ici fermées pour y laisser entrer un vent nouveau pour toute une génération. « Je viens  sans prétention et avec une posture honnête : je n’ai pas la science infuse ». À travers ses connaissances et ses inspirations comme celle de la dramaturge anglaise Sarah Kane et ses cinq pièces de théâtre « terrifiantes », « violentes », Féris souhaite mener ses élèves à travers un cheminement qui leur permettra d’éveiller leur conscience et en tirer des conclusions systémiques et personnelles. « Il faut choquer les gens », estime-t-il.

« On passe par la fenêtre … pour ouvrir des portes »

« Mais qu’est-ce vous faites ici à La Sorbonne ? » Sophie, étudiante, reconnaît Féris en sortant du bâtiment principal. Elle est surprise et heureuse de le voir ici : « C’est une opportunité de malade pour lui et les élèves ; c’est atypique et ça change des doctorants et autres profs qu’on peut avoir. » Face à l’enthousiasme suscité par son premier cours, Féris ne perd de vue ni ses objectifs, ni ses responsabilités et sait qu’il n’aura pas le droit à l’erreur pour être sûr d’ouvrir les portes de La Sorbonne à d’autres profils « hors cadres », en gagnant une  crédibilité qu’il estimait ne pas avoir.

 

Photo : Nehemie Lemal.

« On passe par la fenêtre, pour ouvrir des portes à d’autres profils comme le mien… et changer le regard qu’on nous porte ». L’exemple de Féris soulève la question de la représentativité des minorités dans le monde du travail, que ce soit sur les bancs de l’université comme dans les médias, malgré des compétences et une audience qui aurait le mérite d’être considérée, à l’ère du digital et à la force, aussi, des self-made women et men, qui portent toute une nouvelle génération.

 

Photo : Nehemie Lemal.