Le fantôme de Britney Spears

Article publié le 31 août 2016

Texte : Edouard Risselet
Photo : David LaChapelle

Son nouvel album Glory est sorti la semaine dernière. Britney Spears signe à 34 ans un retour que tout le monde espère désespérément triomphal. Que reste-t-il vraiment de celle que l’on appelait jadis princesse de la pop ?

On se souvient plus de ses illustres déboires paparazzés que de ses derniers albums, de ses playbacks à peine camouflés que de ses performances endiablées et de sa merveilleuse robe patchwork que de ses dernières apparitions publiques. Mais personne ne l’a oubliée, ses tubes Toxic, I’m a Slave 4 U ou Gimme More sont des classiques dont on ne s’est pas lassé et Britney demeure quoi qu’il arrive l’icône dorée d’une génération. Passée légende au panthéon des pop stars, elle a vendu plus de 100 millions d’albums, collectionné les hits et déchaîné les passions les plus ardentes. L’apogée de Britney Spears est-elle définitivement derrière elle ?

Elle refuse de s’y faire. « The beginning of a new era », promettait-elle à ses fans lors de l’annonce sur son compte Twitter début août de la sortie d’un nouvel opus. L’ère de quoi ? Depuis vendredi dernier, est disponible Glory, son nouvel et neuvième album qui entend signer le grand retour de la chanteuse qui a vraisemblablement tourné la page de son mauvais dernier Britney Jean.

Glory, neuvième album de Britney Spears est disponible depuis le 26 août.

Composée de 17 titres, la proposition est audacieuse. Le premier single prometteur Make Me… en featuring avec le rappeur G-Eazy s’accompagne de plusieurs titres – Invitation, Do You Wanna Come Over ?, Just Like MeChange Your Mind (No Seas Cortes) – qui réveillent en nous l’espoir d’un retour triomphal de la Britney qui chantait Toxic en combinaison seconde peau à strass. Moins dance et plus pop, le disque s’écoute mais l’ensemble, mélange bien produit d’influences de ses prospères contemporains et actuels rivaux, manque de cohérence.

THE RISE

Elle naît à l’écran dans le club Mickey en 1989 mais il faudra attendre la sortie de son premier single dix ans plus tard pour que « Britney Spears » devienne une marque. Ce pur produit de l’Amérique républicaine, Lolita à la candeur catholique bien élevée en Louisiane, chante …Baby One More Time. Elle est la fille cool du lycée, celle à qui les autres vouent un culte malsain, celle aussi qui couche avec le prof de maths mais écrit dans son journal intime vouloir rester vierge jusqu’au béni mariage. Britney Spears presque instantanément devient l’idole des adolescentes et le fantasme de leurs pères.

De gauche à droite : couverture de Rolling Stones en 1999, performance aux MTV VMAs de 2003

Ce personnage lucratif est immortalisé par David LaChapelle en couverture de Rolling Stones, avant qu’elle n’enchaîne avec un second album Oops!… I Did It Again en mai de l’année 2000. Il s’en est vendu à ce jour 25 millions d’exemplaires. Elle est l’objet de la fascination et celui du scandale. Au bras de Justin Timberlake, sa vie privée fait la Une des journaux et commence déjà à éclipser sa musique, bien que celle-ci continue d’être diffusée en boucle sur les radios du monde entier. En 2003, l’année du patin avec Madonna sur la scène des MTV VMAs sous les yeux de sa rivale Christina Aguilera dont la carrière n’aura pas survécu à cet acte manqué, Britney commence à dégénérer.

… AND FALL

Après un mariage d’une durée de record de 55 heures avec un ami d’enfance et la naissance un an et demi plus tard de Sean Preston Federline, son premier fils procréé avec l’aide de Kevin Federline, un danseur avec qui elle engendrera aussi une téléréalité bientôt arrêtée, Britney se fait dévorer par la célébrité. Tombée dans la drogue, divorcée de son premier mari, elle file en rehab, perd la garde de ses enfants et termine sa chute dans un salon de coiffure dont elle jonchera le sol de sa chevelure devenue noire, avant qu’elle ne soit revendue sur eBay quelques jours plus tard. « Britney Shears », titre le Daily News. The struggle was real.

De gauche à droite : Britney Spears et Justin Timberlake aux MTV VMA’s de 2001, couverture de Daily News de 2007

Elle apparaît sur la scène des VMAs pour chanter Gimme More, issue de son dernier album Blackout. Il n’en reste plus grand chose.
Tout le monde la pensait terminée, que la célébrité l’avait dévorée. Britney Spears renaît vite de ses cendres et revient étonnamment en forme en 2008 avec Circus. Elle semble aussi plus mature, plus saine et plus équilibrée – boring ? Reste que ses singles Womanizer et If U Seek Amy sont des tubes. Ses derniers.

LE RETOUR ?

Trois ans plus tard, Femme Fatale sort et sauve les meubles de justesse. Puis vient en 2013 Britney Jean, produit par Will.I.Am mais qui ne reproduit pas le succès de leur titre Scream & Shout. Elle débute en tant que jury dans la version américaine de X Factor puis disparaît au bout de deux saisons. Britney n’est plus pop star, elle est un mythe. Et à l’instar d’une Madonna prête à tout pour retrouver sa gloire d’antan, rien ne semble plus suffire.

À 31 ans, ce statut lui offre toutefois la possibilité de se poser à Las Vegas où elle s’enferme au Planet Hollywood pour une série de concerts. En dépit de chorégraphies poussives et de l’omniprésent playback qu’elle dissimule maladroitement, le show Piece of Me reste grandiose et engrange des millions de dollars, avant d’être reconduit pour deux ans jusqu’en décembre 2017.

Après une performance remarquée aux Billboard Music Awards en mai 2016 qui la récompensaient de l’honorifique « Millenium Award » et malgré une promotion bien orchestrée à la télévision américaine pour Glory, il est forcé d’admettre à contrecœur que Britney n’est plus princesse de la pop. L’annulation du clip Make Me… originellement réalisé par David LaChapelle, jugé trop trash par la maison de disque, difficile à assumer pour le rôle de mère de famille qu’elle occupe enfin aujourd’hui et finalement remplacé par une vidéo insipide n’est qu’un autre obstacle à son come-back. Son retour dimanche dernier sur la scène des MTV VMAs qu’elle n’avait pas foulée depuis le désastreux concert de 2007 est honorable, mais a vite été éclipsé par les prouesses de Beyoncé, Rihanna et Kanye West. La flamme n’est pas encore éteinte mais la mèche est bien courte.

Elle s’obstine et tout le monde veut y croire mais un hypothétique retour apparaît désormais chimérique. Impossible est de tenir l’âge pour responsable, sa concurrente interprète de Lemonade fêtera 35 ans la semaine prochaine. Beyoncé a su faire évoluer son image quand Britney est restée figée dans le temps. À défaut de quelques extensions, sa chevelure blonde n’a pas bougé, ses dents trop blanches et ses costumes de scène non plus. Britney finie ? Britney mère de famille, Britney business woman, Britney enfin stable. Spears chante aussi entre les lignes « Leave Britney Alone ».

À lire aussi :

[ess_grid alias= »antidote-home2″]

Les plus lus

Pré-commandez le numéro automne-hiver 2024/2025 d’Antidote

Pré-commandez le numéro automne-hiver 2024/2025 d’Antidote sur Antidote.Bigcartel.com.

Lire la suite

Commandez le numéro printemps-été 2024 d’Antidote

Commandez le numéro printemps-été 2024 d’Antidote.

Lire la suite

Nike réinvente son emblématique ensemble Tech Fleece pour ses dix ans

Lancée il y a tout juste dix ans, la gamme « Tech Fleece » de Nike, composée de survêtements chauds, légers et polyvalents, taillés dans un tissu technique ultra-doux, s’améliore et se réinvente dans une version plus respectueuse de l’environnement, plus chaude et plus légère, qui se décline dans des coloris inédits.

Lire la suite

Christian Louboutin s’inspire du basketball et des années 90 pour sa nouvelle sneaker « Astroloubi »

Dévoilée en juin dernier lors de la Fashion Week homme printemps-été 2024 de Paris et photographiée dans le dernier numéro d’Antidote « Now or Never », la nouvelle paire de sneakers « Astroloubi » fusionne l’esthétique de la chaussure de basket des années 1990 et les codes emblématiques de la maison Louboutin, tels que la semelle rouge carmin et les détails cloutés.

Lire la suite

De quoi l’extension holistique des maisons de mode est-elle le signe ?

Productions cinématographiques, restaurants, jeux vidéos, design d’intérieur… Les marques de luxe développent des univers de plus en plus complets. Mais pourquoi et comment la mode contemporaine développe-t-elle de nouveaux terrains d’expression à la fois physiques et virtuels, dans lesquels les consommateur·rice·s peuvent évoluer et revendiquer leur identité ?

Lire la suite

Newsletter

Soyez le premier informé de toute l'actualité du magazine Antidote.