C’est officiel, après 17 années passées chez Valentino et plus de 25 ans avec son partenaire créatif Pierpaolo Piccioli, la créatrice Maria Grazia Chiuri s’est finalement décidée à voler de ses propres ailes. L’arrivée de Chiuri comme première directrice artistique de l’histoire de Christian Dior vient d’être confirmée par la maison de couture française. Raf Simons est finalement remplacé après près d’un an de latence.
Le premier signe extérieur qui indiquait que Chiuri, 52 ans, était prête à embrasser un changement majeur dans sa vie fut peut-être sa décision d’abandonner sa chevelure brune au profit d’un blond platine à la fin de l’année dernière. N’importe quelle femme vous le dira, une transformation capillaire radicale est signe évident qu’une femme se pose des questions existentielles et interroge son futur.
Et ce premier indice n’était pas isolé. Des clichés du gala d’ouverture de l’opéra La Traviata mis en scène par Sofia Coppola et dont les costumes sont signés Valentino montrent le duo, d’ordinaire accolé, séparés ou de part et d’autre de Coppola et M. Valentino. Le dernier défilé homme de Valentino était dépourvu de son habituel feu créatif, comme si l’esprit du duo était ailleurs.
De gauche à droite : Valentino haute couture fall-winter 2016, Pierpaolo Piccioli, Sofia Coppola et Maria Grazia Chiuri à la première de la Traviata
« Je remercie M. Valentino Garavani et M. Giammetti pour leur soutien toutes ces années et pour tout ce qu’ils m’ont appris. Je remercie également M. Sassi et toutes les équipes de la maison Valentino pour leur aide tout au long de de ces années, déclare Chiuri dans le communiqué de presse officiel faisant acte de son départ. J’ai partagé avec Pierpaolo une grande partie de ma vie professionnelle et cette expérience fut riche de nombreux accomplissements créatifs en duo. Je suis prête à embarquer pour un nouveau challenge professionnel. »
Et quel challenge. Dior a une histoire considérable et des archives sur lesquelles Chiuri devra rapidement mettre la main. Ses presque deux décennies chez Valentino, débutés par la création des accessoires de luxe de la marque puis poursuivies en tant que co-directrice artistique aux côtés Pierpaolo Piccioli lui ont octroyé un savoir institutionnel de la maison avant sa mise en lumière. Elle prend aussi la relève chez Dior après que la maison a passé près d’un an dans les limbes de la direction créative à chercher un successeur pour Raf Simons.
« C’est une grande responsabilité d’être la première femme à diriger la création d’une maison si résolument liée à l’expression de la féminité, assure Maria Grazia Chiuri dans le communiqué de presse officiel de Dior. La très grande richesse de son patrimoine est une source d’inspiration constante pour la mode d’aujourd’hui et je me réjouis d’en exprimer ma propre vision ». Elle présentera sa première collection de prêt-à-porter étiquetté Dior le 30 septembre pendant la Fashion Week parisienne.
« J’ai partagé avec Pierpaolo une grande partie de ma vie professionnelle et cette expérience fut riche de nombreux accomplissements créatifs en duo. Je suis prête à embarquer pour un nouveau challenge professionnel. »
Chez Valentino, Chiuri et Piccioli avaient tout du vieux couple marié. Chacun finissait les phrases de l’autre et la séparation du processus créatif n’avait jamais rien de très clair. Si l’un deux était plus doué au flou et l’autre au tailoring, ils n’établissaient pour autant jamais de telles distinctions. Avec eux, le travail se concevait tel une collaboration et ils partageaient le lourd fardeau et la pression de la direction d’une maison dont les profits ont presque doublé l’an passé.
Peut-être est-ce pour cette raison que Chiuri s’est finalement décidée à accepter la proposition de Dior, arrivée à un point de sa carrière où le temps est venu de se lancer des défis et de trouver de nouveaux horizons d’expression. Et n’oublions pas qu’il est bien plus difficile d’accéder à une position d’influence plus haute et mieux rémunérée dès lors qu’une promotion s’effectue au sein d’une entreprise. C’est seulement en changeant de société qu’une personne est à même de négocier son passage d’un siège de pouvoir à son poste de rêve.
Piccioli demeure seul à la direction artistique de Valentino, Chiuri s’apprête à écrire un tout nouveau chapitre de l’histoire de Dior : le duo se retrouve dans la position enviable où tout deux dirigent respectivement deux maisons parmi les plus puissantes du monde. Et au regard de la situation actuelle fluctuante de l’industrie, il reviendra peut-être à Chiuri de lui montrer la voie à suivre. Sans pression, hein.