Rihanna, l’indomptable

Article publié le 24 juin 2016

Texte : Paul-Arthur Jean-Marie
Photo : courtesy of Dior

Rihanna est la première égérie Dior à signer une collection en collaboration avec la maison française. En l’espace d’une décennie, la chanteuse qui se rêvait en « Madonna noire » s’est élevée au rang d’icône mode. Et elle revient de loin.

Elle effectue un doublé gagnant chez Dior. Devenue première égérie noire de la maison française l’an dernier, Rihanna peut également se targuer d’être la première ambassadrice, devant Marion Cotillard, Jennifer Lawrence ou Emilie Clarke, à signer une collection en collaboration avec le studio de création.
Après un film Secret Garden tourné à Versailles par Steven Klein, elle révèle une série de lunettes futuristes aux verres iridescents et aux branches dorées gravées de quatre lettres que l’on n’aurait imaginé, quelques années plus tôt, un jour associées à une arrogante star du Rnb.

C’est précisément la propension de la Barbadienne à toujours oser davantage, quitte à choquer, à se construire une signature à part, qui a séduit la maison de couture. « Elle a cette forme d’élégance, affirme Sidney Toledano, le PDG de Dior. On l’a vu au premier instant ça. Mais elle reste aussi surprenante. Elle peut être inattendue et c’est ce qu’on aime. Ça fait partie de sa personnalité. »

De gauche à droite : collection Fenty Puma automne-hiver 2016, bottes de la collection Rihanna x Manolo Blahnik.

En plus des quatorze singles, du récent Work à l’entêtant Umbrella, qu’elle a réussi à classer en pôle position des charts américains tout au long de sa carrière, Rihanna cumule les contrats avec les marques de mode. Elle joue les directrices artistiques, entre deux sessions d’enregistrement, et lance le label Fenty x Puma, dont le premier défilé s’est tenu à New York lors de la Fashion Week automne-hiver 2016-2017 en mars 2016. Contrairement à son acolyte Kanye West – qui officie chez Adidas Originals avec sa ligne Yeezy -, une bonne partie de la critique salue un travail taillé à son image, une mode à l’esprit libre, street et teintée d’influences gothiques.

Il ne s’agit pas de son coup d’essai. En 2013, elle proposait déjà avec la griffe grand public anglaise, River Island, un vestiaire, moins abouti et plus générique, mais qui contribuait déjà à asseoir son influence au sein du microcosme mode.

Campagne Stance printemps-été 2016

Après Balmain qui s’offrait la chanteuse pour son printemps-été 2014, la liste des griffes qui souhaitent s’appuyer sur son image irrévérencieuse ne cesse de s’allonger. Elle imagine cette année des chaussettes pour la marque Stance et une lignes de souliers pour le chausseur espagnol Manolo Blahnik.

Rien ne semblait pourtant prédestiner la sirène au regard noisette à pareille destinée. Lorsqu’elle débarque de sa Barbade natale, en 2005, à la conquête des États-Unis, Rihanna Robyn Fenty n’est qu’une autre jolie poupée du label de musique Dej Jam, à l’époque dirigé par Jay Z. Elle pousse plutôt bien la chansonnette, agite sa longue chevelure avec mignonnerie, sait faire bouger en rythme ses affriolantes courbes, ventre à l’air, comme dans son clip Pon de Replay. Rien de plus, au départ.

« Elle a beau être clivante, provocatrice, elle a un vrai adoubement populaire. »

Quelques mois plus tard, sa maison de disques dévoile SOS, premier extrait de son deuxième album studio, A Girl Like Me. Un hit instantané samplé sur Tainted Love de Soft Cell. Dans la vidéo qui illustre le morceau, elle se cherche niveau style et offre une pâle imitation de Beyoncé époque Crazy in Love. Attirail de bimbo faussement glamour à base de décolleté plongeant, robe bustier et strass à outrance. Sur les tapis rouges, c’est la même rengaine. Les grandes marques qui la courtisent aujourd’hui ne lui accordent alors pas le moindre intérêt. Rihanna who ?

La « Madonna noire »

En 2009, Rihanna opère, contrairement à son illustre aînée, un improbable virage à 180°. Alors qu’elle se cache des médias et après avoir enchaîné les hits à seulement 21 ans, elle prépare son retour avec un quatrième album. Elle doit passer à l’étape supérieure. Musicalement, mais également en termes d’image.

Mariel Haenn entre en jeu à ce moment-là. Mystérieuse brune que l’on pouvait apercevoir aux côtés de l’interprète de We Found Love lors de ses premiers défilés à la Fashion Week de Paris, elle est la styliste qui se cache derrière la métamorphose de Rihanna, de banale chanteuse de R&B à it-girl. Elle est radicale : Maison Martin Margiela, Balenciaga, Gareth Pugh, Givenchy… Rihanna embrasse un nouveau style grâce à sa styliste, qui a travaillé pour Jennifer Lopez et une flopée de publications mode. L’experte élabore à sa cliente des tenues racées et engage d’interminables et parfois hasardeuses transformations capillaires.

En 2014, elle reçoit des mains d’Anna Wintour le CFDA Fashion Icon Award.

Au rythme effréné de ses sorties d’albums, elle dévoile au travers de son apparence, une nouvelle facette de sa personnalité polymorphe, délaissant au passage les services de Mariel Haenn pour s’émanciper et affirmer ses propres goûts avec l’appui du styliste Mel Ottenberg.

C’est le facteur qui fait décoller sa carrière, tant il participe à son omniprésence dans les médias même lorsque l’actualité musicale n’y est pas. Un hasard ? Certainement pas. Comme l’explique Alexandra Jubé, tendanceuse pour le cabinet de style Nelly Rodi, « la mode et la musique sont deux univers ultra imbriqués. Ce sont deux baromètres de l’air du temps, des vecteurs culturels de l’époque. Deux façons d’incarner un état d’esprit. » Le style de Rihanna et sa discographie ne font bientôt plus qu’un. Les magazines spécialisés l’encensent, assènent à leurs lectrices de s’inspirer d’elle quand la sphère mode se l’arrache.

La consécration arrive en 2014 lorsqu’elle reçoit le Fashion Icon Award, des mains d’Anna Wintour, lors de la cérémonie de récompenses du CFDA (Council of Fashion Designers of America). Pour récupérer son prix, elle s’inspire de la star impertinente des années 20, Joséphine Baker, et débarque sur la scène Lincoln Center à New York dans une robe Adam Selman transparente, parsemée de cristaux Swarovski qui laissait bien peu de place, même à la plus vaste des imaginations. Elle n’a pas froid aux yeux. Nulle part.

Immédiatement après les festivités, son nom et sa tenue sont de toutes les conversations. Des commentateurs se risquent même à affirmer qu’elle définit ce qu’est une icône de mode : une personnalité qui crée le débat. En interview, elle confiait vouloir être la « Madonna noire ». Énigmatique et pleine d’aspérités, Rihanna n’a plus besoin de modèle. « Elle a beau être clivante, provocatrice, elle a un vrai adoubement populaire, assure Alexandra Jubé. C’est une équilibriste car elle est toujours juste. ».

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