« Le jour de mon anniversaire je crains d’être oubliée. Dans le but de me délivrer de cette inquiétude, j’ai pris en 1980 la décision d’inviter tous les ans, le 9 octobre si possible, un nombre de convives équivalant à mon nombre d’années. Parmi eux, un inconnu que l’un des invités serait chargé de choisir. Je n’ai pas utilisé les cadeaux reçus à ces occasions. Je les ai conservés, afin de garder à portée de main les preuves d’affection qu’ils constituaient.
En 1993, à l’âge de 40 ans, j’ai mis fin à ce rituel. »
Voilà ce qu’écrivait Sophie Calle sur son rituel d’anniversaire en 98. Un an plus tard elle exposait ses cadeaux dans 14 vitrines, une par année, au Camden Arts Centre à Londres. Et je me disais que c’était exactement ça la célébration : quelque chose qu’on met dans une vitrine, une idée du temps qui passe qu’on place sous verre à la vue de tous. Célébrer c’est exposer ce qui a été, lui donner une forme. Ça peut être une vitrine dans un musée, un livre, une fête… pour garder toute la mesure du temps passé.
Antidote a 5 ans. The Celebration Issue en prend donc toute la mesure. Comment ? En invitant chacun des 9 photographes qui ont signé leur vision de la revue « afin de garder à portée de main les preuves d’affection qu’ils constituaient ». Et en conviant pour ce dixième numéro, « un nombre de convives équivalant au nombre d’années », 9 auteurs donc qui tous ont pris la mesure de leur temps : il sera question d’anniversaires, de fêtes, d’enterrements aussi, de robes bustiers pour l’occasion, d’objets fétiches, de fenêtre sur cour, de Madonna pour la musique, et de Roland Barthes qui aurait eu cent ans en novembre et qui écrivait sur le sujet :
« La cérémonie (par exemple l’anniversaire) protège comme une maison : quelque chose qui permet d’habiter le sentiment.»