Découvert par certain·e·s sur les réseaux sociaux via des influenceur·se·s comme @we.are.olympe ou à l’écran, dans sa version fictive, à travers le film Split (2016), le trouble dissociatif de l’identité (TDI) fascine ou effraie. Mais pour ceux·celles qui vivent avec plusieurs « alters » dans un seul corps, il s’agit surtout d’un mécanisme psychique de protection qui fait suite à des traumatismes extrêmes, tels que des violences sexuelles répétées pendant l’enfance. Classifié par l’OMS, il toucherait près de 1 % de la population, à des degrés divers. Pourtant, au sein même de la communauté scientifique, le TDI peine à être reconnu.
« Une fois, un·e de mes alters a proposé à mon copain qu’on n’habite plus ensemble. Il est revenu plus tard me dire qu’il pensait que c’était peut-être une bonne idée. On s’est disputé·e·s parce que je ne savais pas du tout de quoi il parlait et que je pensais qu’il ne voulait plus vivre avec moi. » Chloé*, Bordelaise de 24 ans qui étudie les arts plastiques à Londres, s’est vu diagnostiquer un TDI il y a six mois. « Avant cela, on galérait à se comprendre. Maintenant qu’il sait que ce n’est peut-être pas moi qui lui dis ces choses extrêmes, on peut discuter et je peux faire de l’introspection pour essayer de savoir pourquoi mon alter lui a dit ça », explique la jeune femme, en couple depuis six ans, qui a identifié cinq de ses personnalités.
Le trouble dissociatif de l’identité, abrégé en TDI, se caractérise par la présence d’au moins deux états de personnalité distincts qui se partagent des temps de conscience, chacun pouvant avoir son propre nom, sa propre histoire, ses propres traits de caractère et ses propres goûts. « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu des problèmes de santé mentale assez forts. Mais à partir de mes 15 ans, j’ai commencé à me rendre compte d’épisodes d’amnésie, de phases d’anxiété, de dépression intense et de moments où j’avais l’impression que quelqu’un d’autre prenait le contrôle de mon corps. Je me sentais un peu possédée », décrit Chloé.
Ces derniers mois, les vidéos virales de témoignages et les émissions de télévision accueillant des personnes atteintes de TDI se sont multipliées. Elles illustrent la libération de la parole, sur les réseaux sociaux, actuellement en cours au sujet de la santé mentale. Les célébrités ont également joué un rôle dans ce phénomène, de Kanye West évoquant librement sa bipolarité à Billie Eilish parlant de sa dépression. En France, l’influenceuse Olympe, qui affirme être atteinte de TDI, d’un trouble borderline et d’un stress post-traumatique, est le fer de lance de ce mouvement. Sur son compte Instagram @we.are.olympe, qui cumule plus de 100 000 abonné·e·s, la jeune femme de 21 ans au physique de mannequin évoque à la première personne du pluriel son quotidien avec au moins 13 « alters », terme utilisé pour désigner les parties dissociatives qui coexistent au sein d’une personne présentant un TDI.
Elle participe à diffuser le langage propre à la communauté TDI, souvent dérivé de l’anglais. « Switch » pour le passage d’un état de personnalité à un autre, « système » pour l’ensemble des parties, « alter hôte » pour la partie principale de la personnalité, « front » pour le contrôle du corps, « cofront » lorsqu’au moins deux parties sont présentes en même temps, « alter protecteur » pour une partie qui protège le système, « alter little » pour celle qui est restée enfant, ou encore « trauma holder » pour celle qui garde les traumatismes.
Plume (c’est le pseudo qu’elle a choisi en ligne) utilise ce vocabulaire d’initié·e·s pour parler de son trouble à sa communauté. « Les switchs, c’est quand on change de front entre alters. Aujourd’hui, il n’y a eu aucun switch, c’était juste Sophia et moi [en cofront, NDLR]. Mais dans certaines situations particulièrement stressantes, il peut y en avoir plusieurs dans la journée et ça peut très vite augmenter», détaille la petite brune de 20 ans, en licence de langue à Angers, qui cohabite avec 46 alters et tient le compte @plume_systeme. Sur son Instagram @partiellement.moi, Chloé, quant à elle, a préféré ne pas montrer son visage et exprimer en dessins les souffrances qui viennent avec le trouble.
Un trouble psychique lié à des traumatismes extrêmes
Il faut dire que l’origine du TDI n’a rien d’instagrammable. « C’est le plus sévère des troubles d’origine traumatique », avertit le docteur en psychologie Olivier Piedfort-Marin, fondateur et président d’honneur de l’Association francophone du trauma et de la dissociation (AFTD). La dissociation est un effet caractéristique des traumatisations complexes, c’est-à-dire répétées et installées dans le temps, ayant généralement eu lieu dans la petite enfance. Plus le traumatisme est vécu précocement, plus il peut avoir de conséquences sur le psychisme.
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