Les crayons
toujours au diapason

Article publié le 13 janvier 2015

Depuis la tragédie meurtrière du mercredi 7 janvier, date désormais inscrite dans les chapitres les plus sombres de l’histoire de France, Charlie Hebdo n’a jamais eu autant d’admirateurs. Un soutien dont il manquait cruellement depuis novembre 2011, lorsque les bureaux de l’hebdomadaire avaient été brûlés suite à une caricature du prophète Mahomet. Aujourd’hui, on se rassemble au nom de la liberté, et on s’abonne pour que Charlie puisse (sur)vivre. Il serait de bon ton de rappeler que, même si le journal n’a jamais connu un tel drame, il a déjà connu plusieurs vies, tel un chat agile et malicieux.

Fondé en 1969 (année érotique !) à la suite du culte Hara-Kiri, il doit son nom à l’un des personnages de la bande dessinée de l’Américain Charles Shulz, les Peanuts. À sa tête : Choron, Cavanna et Delfeil de Ton. Parmi ses dessinateurs, l’érudit libertin Wolinski (qui sera aussi rédacteur en chef de 1970 à 1981, premier âge d’or du journal) et Reiser, pourfendeur du quotidien de la classe moyenne – comment oublier le Gros Degueulasse ? Pas de mots d’ordre si ce n’est l’irrévérence et la drôlerie : « Bal tragique à Colombey – 1 mort » avaient-ils titré lors de la mort du Général de Gaulle. Et une vision aiguisée de la société qui nous entoure, des bouleversements qu’elle doit subir pour évoluer. En témoigne en 1975 leur couverture « Les 343 salopes » suite au Manifeste des 343, pétition initiée par entre autres Simone de Beauvoir par pour défendre la légalisation de l’avortement. Fin 1981, faute d’abonnés, le journal s’arrête… pour renaître de ses cendres en 1992, sous la houlette de Philippe Val. Cavanna y officie encore, des pointures de la BD comme Siné, Gébé ou Cabu y tiennent leur propre rubrique.

Si l’on connaît Cabu grâce au Club Dorothée, sa légèreté n’a d’égal que sa langue bien pendue, trempée dans une encre teintée de mélancolie. Le trait est appuyé sans être lourd, les textes corrosifs sans être cruels. Dès le début du Charlie made in 1992, Charb, Honoré et Tignous y apposent également leurs styles respectifs. Doté d’un sens de l’humour fulgurant et dénué de tout filtre, Charb excelle dans la grande tradition du dessin satirique. Les traits sont forcés, la (fausse) vulgarité est de mise, les couleurs tranchantes. Sous influence Reiser, Tignous ne s’encombre d’aucune subtilité pour faire rire jaune, voire noir. En résultent des dessins féroces d’humanisme. Honoré emploie exclusivement le noir et le blanc et une technique inspirée de la gravure sur bois d’antan – la maison d’édition Larousse y a souvent fait appel pour illustrer ses classiques. L’humour, même tordant, y est souvent assombri mais d’autant plus renforcé, soutenu par une légende lapidaire.

On connaît le dénouement de tous ces dessins, tout aussi lapidaire : un exécution ciblée et terroriste au nom de la religion. On repense à ce dessin de Tignous montrant un mouton crucifié : « L’abattage rituel, c’est con. Je vais ressusciter pour vous en convaincre ! » Non, Charlie Hebdo n’est pas mort. Ceux qui sont restés, de Luz à Willem en passant par Coco, vont assurer son avenir en tenant la barre droite. Ou parfois de travers, et tant mieux !

Un texte de Sophie Rosemont.

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