Pour Madonna, de quoi Celebration est-il le nom ?

Article publié le 18 octobre 2015

© Photos Miguel Reveriego pour Antidote

Depuis 2009, Madonna est bloquée en mode (auto) Célébration. Ce qui lui vaut des attaques de plus en plus violentes, aussi bien âgistes que sexistes. Et alors ? Pourquoi faudrait-il « se calmer » sous prétexte qu’on vieillit ? Par Olivier Nicklaus.

Le 22 septembre 2009, Madonna sort le single Celebration, titre bonus de la double compilation éponyme destinée à fêter ses 25 ans de carrière. Un titre sautillant, uptempo, qui répond comme en écho à son tout premier gros tube, Holiday. Une façon de boucler la boucle dancefloor ouverte au début des années 80. Le titre atteint les meilleurs classements, comme son ancêtre ; tout devrait donc aller dans le meilleur des mondes puisqu’avec cet énième succès, Madonna fait la preuve performative qu’elle est bel et bien restée au sommet de l’industrie musicale depuis 25 ans… sans discontinuer.
Sauf que. Sauf que la même Madonna vient de fêter ses 51 ans. Et depuis qu’elle a franchi la barre symbolique des 50, des voix se font entendre pour se plaindre qu’elles n’en peuvent plus que la Madone squatte encore et toujours les premières places des charts. Ce ne sont d’abord que quelques voix, mais depuis, à chaque nouvelle année qui passe et à chaque fois qu’elle sort un nouveau titre, qu’elle lance une nouvelle tournée, un nouveau clip, qu’elle se retrouve en photo dans un magazine, le chœur hostile enfle toujours plus. Avec en leitmotiv, toujours les mêmes reproches : « A son âge, elle devrait laisser la place aux jeunes », « Elle n’a pas honte de montrer encore son cul ? », « Niveau Botox, elle n’est pas allée trop loin ? ». Bref, Madonna serait trop vieille pour chanter, danser et prendre la parole. Des attaques âgistes doublées de misogynie : est-ce qu’on demande à David Bowie, Bruce Springsteen, Mick Jagger ou Sting de tout arrêter, eux qui ont commencé avant elle, et qui ne cessent de jouer de leur corps – jusqu’à la chirurgie esthétique pour certains. Sur le fond, ce concert de reproches est d’autant plus regrettable qu’il éclipse une dimension autrement plus passionnante de la carrière de Madonna : la condamnation à l’auto-célébration.

Désormais, c’est Madonna en mode « déjà-vu » : de clips en concerts, de tournées en séries de mode, elle retrouve sa jeunesse, mime les poses qui lui ont réussies, et s’étourdit dans le retour de ses codes.

Car le titre du single Celebration était diaboliquement programmatique : d’abord il reprenait celui d’un des plus célèbres tubes du groupe Kool & The Gang, mais surtout il racontait que c’est dans son propre répertoire que la star allait désormais piocher les thèmes de toutes ses apparitions à venir. Comme s’il lui fallait toujours enfoncer les mêmes clous pour s’assurer de la première place dans la mythologie de la pop culture.
Et on assiste là à la confirmation qu’on a bien changé de direction. Ce n’est plus la Madonna qui anticipe la tendance, qui allait chercher un producteur français comme Mirwaïs – ex-Taxi Girl disparu des radars depuis longtemps – pour son album Music en 2000, ou qui en 98 avait eu l’intuition de prendre William Orbit pour Ray of Light. Non, c’est une Madonna qui se re-garde dans le miroir de ses albums. ça commence en 2005, avec Confessions on a Dance Floor : elle enclenche le régime « Celebration ». Bourré de samples, l’album rend hommage à plusieurs artistes disco : Hung Up à partir d’un sample de Gimme! Gimme! Gimme! (A Man After Midnight) d’ABBA, Future Lovers rappelle le I Feel Love de Donna Summer, quant à Push, le titre reprend des éléments d’Every Breath You Take signé The Police.
Et pour la première fois, Madonna fait ouvertement référence à son travail passé. La phrase « Time goes by so slowly for those who wait, those who run seem to have all the fun » entendue dans Hung Up est une reprise littérale de son propre titre Love Song daté de 1989. Puis dans How High, Madonna citera deux chansons de Music : Nobody’s Perfect et I Deserve It. Sans oublier que l’album Bedtime Stories sorti en 1994 comportait déjà une chanson intitulée Forbidden Love. La musique s’autoréférence, mais Madonna continue de s’inventer visuellement : un nouveau look disco-justaucorps-brushing, entre Amanda Lear et Olivia Newton-John pour Confessions on a Dance Floor. Pour l’album suivant, c’est fini ; avec Hard Candy, Madonna court après les Pharrell Williams et autres Justin Timberlake pour s’assurer des places honorables dans les charts et recycle les looks de son passé.
Désormais, c’est Madonna en mode « déjà-vu » : de clips en concerts, de tournées en séries de mode, elle retrouve sa jeunesse, mime les poses qui lui ont réussies, et s’étourdit dans le retour de ses codes : crucifix et mitaines (circa Like a Virgin), panoplie SM (circa Erotica), et tentations ibériques à castagnettes (circa La Isla Bonita) jusque dans sa prestation du 25 février 2015 aux Brit Awards, où la Madone en cape de torero, joue les matadors dominatrices ; on est définitivement là quelque part entre La Isla Bonita et Erotica.
Alors qu’est-ce qui se raconte dans cette infinie célébration ? Peut-être que le plus dur n’est pas de monter, d’inventer mais de rester, d’imposer une ligne horizontale qui aurait pour mot d’ordre « Stay », l’un de ses titres historiques. Alors on se surprend à relire sa discographie comme un commentaire de son rapport au temps : Over and Over jusqu’à Die Another Day. Mourir un autre jour, c’est-à-dire jamais.

Les plus lus

Rencontre avec le DJ croate Only Fire, avant la sortie de son nouvel EP « Moana Lisa »

Avec leurs voix robotiques clamant des paroles salaces sur des beats entêtants, les titres du jeune DJ croate Only Fire se sont rapidement imposés sur la scène électro internationale, de Paris à Berlin, où il vit aujourd’hui, en passant par New York et Zagreb, où il a grandi. Après avoir mixé lors d’une Antidote Party en juillet 2023, où il instantanément fait grimper la température, le jeune DJ de 24 ans revient ce vendredi 1er mars avec « Blowjob Queen », un single annonçant la sortie de « Moana Lisa », un nouvel EP au titre tout aussi kinky, disponible en pré-commande avant sa sortie à la fin du mois. Rencontre.

Lire la suite

Les métamorphoses de Sevdaliza

Chanteuse avant-gardiste comptant trois albums à son actif, Sevdaliza explore désormais de nouveaux territoires esthétiques à travers des singles qu’elle sort au compte-gouttes, en multipliant les métamorphoses physiques au passage. À travers cet entretien, l’artiste d’origine iranienne de 36 ans, installée aux Pays-Bas, revient sur l’importance que la communauté queer a joué sur la construction de son identité, sur la difficile acceptation de sa singularité, sur sa fascination pour les nouvelles technologies ou encore sur l’influence de son expérience de la maternité sur sa vision du monde.

Lire la suite

La mélo de Gazo et Tiakola est gangx, et leur alchimie parfaite

Les deux rappeurs, parmi les plus populaires du moment en France, ont sorti un album commun qui fait des étincelles dans un monde froid : La Mélo est Gangx. Après plusieurs collaborations à succès et des carrières solo déjà bien remplies, Gazo et Tiako fusionnent leurs univers pour aboutir à une alchimie évidente mais innovante. De leurs premiers pas en studio au sommet des charts, on a discuté (et beaucoup rigolé) avec deux bosseurs passionnés, qui allient aujourd’hui leurs forces au profit de la culture… à travers la leur.

Lire la suite

Plus d’un milliard de streams sur Spotify : qui est D4vd, le nouveau prodige de l’indie pop ?

d4vd n’est pas un artiste comme les autres. On peut le situer entre un Frank Ocean et un Steve Lacy, mais sa musique est unique et hybride. À 18 ans seulement, le chanteur américain repéré et signé par le label de Billie Eilish a entièrement composé son premier projet, Petals to Thorns, sur son téléphone, depuis le placard de sa sœur. Et ses premiers succès ne tardent pas : « Here With Me » et « Romantic Homicide » parcourent désormais le monde, en streaming comme en tournée. Adoubé par SZA et rêvant de collaborer avec Drake – à qui il a envoyé un DM au cours de cette interview –, d4vd nous envoûte dès ses débuts. Si un bel avenir l’attend, il vit au présent ; un présent teinté de romantisme, de roses blanches dépourvues de sang, et de gaming : car si d4vd a débuté la musique pour habiller ses streams de ses propres bandes-son, il compte toujours devenir le meilleur joueur de Fortnite au monde, tout en chantant ses amours à plein temps.

Lire la suite

JT : « Je ne peux plus me permettre ni le chaos, ni les dramas »

Après avoir longtemps traîné une réputation de tête brûlée du rap US, JT veut à présent se montrer sous un nouveau jour. Apparue ces derniers mois aux côtés de Nicki Minaj et Kali Uchis, la jeune femme a sorti cet été son premier single solo en quatre ans, « No Bars », suscitant de folles rumeurs sur l’avenir des City Girls — le duo qu’elle forme avec son amie d’enfance Yung Miami depuis 2017. Placée en détention pour fraude en 2018, JT porte aujourd’hui un regard apaisé sur son parcours et aspire à mettre sa notoriété au service de causes utiles. Tout juste entrée dans la trentaine, elle accompagne désormais d’autres ex-détenues vers la réinsertion avec son projet No Bars Reform, file le parfait amour avec Lil Uzi Vert et se dit « plus passionnée que jamais » par sa carrière musicale.

Lire la suite

Newsletter

Soyez le premier informé de toute l'actualité du magazine Antidote.