Qui est Paradis, la révélation française de l’electro-pop ?

Article publié le 14 février 2017

Texte : Maxime Leteneur
Photo : Andréa Montano

Avec Recto Verso, un premier album dévoilé en septembre 2016, le duo Paradis envoûtait la France avec ses mélodies electro minimalistes et sa pop chantée en français. Nous avons retrouvé Simon Mény et Pierre Rousseau cinq mois après la sortie de leur disque, à l’heure des premiers bilans. Interview.

5 mois après la sortie de votre premier album Recto Verso, quel premier bilan pouvez-vous en faire ?
Simon : On avait fini cet album assez longtemps avant sa sortie, donc on avait déjà un regard assez mûr dessus quand il est sorti. Ce qui est intéressant aujourd’hui, cinq mois après, c’est que les chansons ont commencé à vivre sur scène avec nous. Au bout d’un moment, c’est comme si on s’en détachait, elles ne nous appartiennent plus vraiment. Le fait de les jouer en live différemment leur donne aussi une seconde vie. J’ai l’impression que cet album évolue depuis sa sortie, les chansons de l’album sont encore en train de s’épanouir.

Pourquoi avoir choisi de l’appeler ainsi ? La dualité, est-ce que ça vous représente ? 
Simon : C’est quelque chose qu’on a souvent dit mais ce n’est pas aussi contrasté que ça. Il est vrai que nous avons des sensibilités différentes et ce projet est le point de rencontre de nos deux univers. Recto Verso, c’est un titre qui s’est révélé à nous quand on a fait le constat de toutes les chansons qu’on avait écrites ensemble et qu’on a regardé toutes les thématiques qui revenaient. Lorsqu’on est deux à créer des choses, il y a forcément des points sur lesquels on diverge. Dans la création artistique, tout est subjectif, il n’y a rien qui prévaut sur autre chose. Cette thématique de dualité et de confrontation revenait souvent et on a pensé qu’elle englobait bien le disque.

Vous vous êtes fait repérer grâce à une reprise d’Alain Souchon.
Simon : Notre tout premier morceau était en réalité Je m’ennuie mais il n’est sorti que sur notre deuxième disque. Donc la reprise d’Alain Souchon, La Balade de Jim, était bien le premier morceau qu’on a publié.

Pierre : On n’aime pas spécialement la chanson française pourtant. On préfère l’idée d’avoir des paroles dans notre musique, et pourquoi écrire des paroles dans une langue que l’on ne maîtrise pas ?

Vous revendiquez-vous vraiment de la French Touch ? 
Pierre : En fait, c’est une question qu’on nous avait posée à Rennes pendant les Transmusicales. On nous a demandé si on rejetait le terme « French Touch ». Forcément, on a répondu que pas du tout, mais de là à le revendiquer… On nous demande souvent si on a l’impression de faire parti de ceci ou cela, alors qu’on a jamais voulu se revendiquer de quoi que ce soit, on a juste envie de sortir des disques. Les termes qui sont utilisés pour nous décrire n’appartiennent qu’à ceux qui les emploient.

Simon : La French Touch c’est aussi une communauté d’artisans de la musique à Paris. Il y a des mixeurs, des gens dans le mastering etc. qui ont travaillé avec les Daft Punk, Phoenix ou Air et avec qui on a aussi été amené à travailler. Forcément on créé un lien avec cette scène là, c’est plus comme ça qu’il faut le voir.

On sent que vous avez laissé des petits bouts de vous-mêmes dans l’écriture de ce disque. Diriez-vous qu’il s’agit d’un album personnel ?
Simon : Complètement. On a écrit ces textes ensemble mais c’est aussi important pour nous que l’auditeur puisse se les approprier. Les paroles sont le fruit de conversations qu’on a eues ensemble, sur des sujets auxquels on a été sensibles. Ce sont aussi des thématiques qui ont traversé les années qu’on a partagées ensemble.

Vous portez une attention particulière aux visuels grâce au travail du photographe Andrea Montano. Racontez nous la nature exacte de votre collaboration.
Pierre : On a rencontré Andrea à Bruxelles il y a un peu plus de deux ans. On a tout de suite été marqué par la sensibilité de son travail, son sens du détail, la composition, la couleur… C’est devenu un ami et on lui a proposé, un jour, d’être le garant d’une histoire. On l’a emmené sur la route pendant six mois et il en est sorti énormément de photos.
Il avait accroché des centaines de clichés aux murs pendant qu’on terminait le disque et l’idée, c’était qu’il y ait une photo pour chaque morceau. Il y avait cette photo qui est restée dans un coin de la pièce très longtemps sans qu’on s’y attarde, on s’est dit qu’elle était vraiment cool et qu’il fallait qu’on en fasse quelque chose, mais on a vraiment mis 3 semaines avant de cliquer et de comprendre que ça allait être la couverture. On a réalisé tous les sens et les symboles qu’elle couvrait, cherché à savoir s’il s’agissait plutôt d’une embrassade ou d’une empoignade par exemple. Et cela incarne parfaitement le disque.

L’année dernière, vous sortiez d’une résidence aux Trans Musicales pour élaborer un set de scène, vous qui êtes plus à la base des « musiciens d’ordinateur ». Plus d’un an après, êtes-vous satisfait de la formule que vous avez trouvé ?
Simon : Je ne sais pas si on peut dire qu’on est vraiment à l’aise mais ce qui est sûr c’est qu’on a évolué. À l’époque, nous étions trois sur scène avec un claviériste, maintenant nous sommes quatre avec Victor à la batterie. On a l’impression que ça va de mieux en mieux, on se rapproche d’une expérience live où on prend du plaisir et du coup on a l’impression que ça se partage avec le public. Ce qu’on fait en live se rapproche de plus en plus à ce qu’on a envie de projeter.

Qu’est-ce qui diffère des versions qu’on peut trouver sur l’album ?
Simon : Ce sont des interprétations différentes. Au début, on était parti sur une formule très électronique où on essayait de coller au plus proche du disque, puis on s’est très vite aperçu que ce n’était pas les mêmes conditions. On avait écrit ces chansons dans le confort du studio, avec des techniques et avec du temps. Aussi, on s’est rendu compte que l’important pour nous était de voir un instant se produire devant nous, avec des composants différents, chaque concert est unique. C’était important de le vivre à 100% et de ne pas essayer de reproduire le disque.

Pierre : Les arrangement ne sont pas les mêmes, il y a des guitares et une batterie alors qu’il n’y en a pas sur l’album – mais si les gens ressentent la même chose pour les chansons que lorsqu’ils écoutent le disque, c’est signe que les chansons sont fortes. C’est une manière de tester de notre musique.

Comment s’est passée votre tournée jusqu’à maitenant ?
Pierre : Tout se passe très bien. Je pense que toutes les dates étaient complètes, ce qui est plutôt une bonne chose ! On a annoncé une Gaité Lyrique en espérant pouvoir la vendre, finalement on en a aussi vendu une autre. Du coup, on a annoncé une Cigale pour le 16 juin. À la base, le concert, ça n’est pas tellement pas notre culture mais on ne garde toujours que de bons souvenirs.

On vous voit également souvent enrôler la casquette de DJ. Quels sont vos titres préférés du moment ?
Pierre : Personnellement, j’adore un vieux morceau de musique électronique Forces Of Light de Chromium, un groupe qui n’a jamais décollé.Ça ressemble un peu à ABBA mais en hyper cheap. Le concept du titre, c’est deux femmes qui représentent les forces de la lumière, elles résident dans l’espace et racontent aux êtres humains qu’ils sont en train de s’éloigner du droit chemin. Puis elles débarquent sur Terre pour tout arranger.  On se trouve actuellement dans un contexte où il se passe des choses un peu étranges aux États-Unis ou en Angleterre. Et ce morceau résonne d’autant plus particulièrement aujourd’hui.

Simon : Pour ma part, c’est un titre assez spécial qui s’appelle Sharevari de A Number Of Names. C’est un des tout premiers morceaux de house/techno. J’ai l’impression que ce morceau est hanté, il y a un climat super étrange. J’aime bien ces espèces de capsules émotionnelles qui peuvent parfois se créer autour d’un morceau. Sans vraiment savoir comment, il y a une tension qui s’installe.

Avez-vous déjà commencé à travailler sur de nouveaux titres ?
Simon : Non, pas vraiment. On aime bien prendre notre temps. Par contre, on aimerait que le deuxième album se fasse différemment du premier, c’était quand même un peu laborieux… Mais pour l’instant on est encore en apprentissage du live, ça alimente même notre approche de la musique, rien que le fait de travailler avec un batteur et un clavier par exemple. Quand on joue une chanson sur scène, on la réarrange et, du coup, on repense nos chansons et notre façon de concevoir les morceaux.

Pierre : Ce qui est spécial quand tu fais un premier disque avec quelqu’un que tu connais à peine – comme ce fût le cas avec Simon quand on s’est rencontré – c’est que tu ne dois rien à l’autre, tu fais juste de la musique parce que tu as envie d’en faire. Au bout d’un moment, il faut retrouver une sorte de naïveté et d’innocence.

Simon : Bien sûr on aimerait écrire un nouveau disque assez vite, mais on va se donner aussi un peu de temps chacun de notre côté pour s’alimenter d’envie et pour laisser à nos goûts le temps d’évoluer. Le premier disque était le résultat de tout ce qu’on avait envie de faire depuis qu’on était petits. Maintenant, il faut trouver autre chose.

Recto Verso de Paradis est disponible sur iTunes et les plateformes de streaming légales. Ils seront à La Gaité Lyrique les 24 et 25 mars et à La Cigale le 16 juin 2017.

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